Civ. 1re, 18 déc. 2013, F-P+B, n° 12-26.541

En vertu de l’article 270, alinéa 2 du code civil, « l’un des époux peut être tenu de verser à l’autre une prestation destinée à compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage crée dans les conditions de vie respectives ». L’article 271 dispose quant à lui que « la prestation compensatoire est fixée selon les besoins de l’époux à qui elle est versée et les ressources de l’autre en tenant compte de la situation au moment du divorce et de l’évolution de celle-ci dans un avenir prévisible ». Cependant, aucun de ces textes ne fixe expressément la date à laquelle la disparité de niveau de vie des époux résultant du divorce doit être appréciée. L’arrêt ici présenté vient rappeler qu’elle doit l’être au moment du divorce.

La question est importante, notamment lorsque la communauté de vie a cessé depuis longtemps entre les époux. Si, pendant cette période, chacun des époux a assumé ses propres charges, la différence de niveau de vie entre les époux ne résultera pas nécessairement du prononcé du divorce mais d’une autre cause, privant ainsi le conjoint démuni de son droit à obtenir le versement d’une prestation compensatoire.

En l’espèce, précisément, les conjoints avaient exploité ensemble une auto-école, leurs revenus respectifs étant alors d’un niveau équivalent. Par la suite, et après qu’ils eurent mis fin à leur communauté de vie, l’épouse vit son salaire doubler au bénéfice d’une promotion de carrière. Quelque temps plus tard, les époux divorcèrent et à cette occasion, le mari demanda le versement d’une prestation compensatoire, qui lui fut refusé par les juges du fond.

Rejetant elle aussi les arguments du mari auteur du pourvoi, la Cour de cassation affirme tout d’abord que les juges du fond se sont bien placés au jour du divorce pour apprécier l’existence d’une disparité dans les conditions respectives de vie des époux.

Ensuite, elle abandonne à l’appréciation souveraine des juges du fond la vérification de l’existence d’une disparité dans les conditions de vie des époux créée par la rupture du mariage. Et sur ce dernier point, la Haute juridiction reprend la motivation de la cour d’appel qui, d’une part, avait pris en compte les années de vie commune après le mariage pour déterminer l’existence d’une telle disparité et, d’autre part, avait estimé que celle-ci ne résultait pas de la rupture du mariage.

En pratique, on ne peut donc que conseiller à l’époux démuni de se méfier des périodes trop longues de séparation de fait avant le divorce, le prolongement de cette situation pouvant avoir pour conséquence de le priver du droit à une prestation compensatoire. Subissant un divorce non désiré, il est alors touché par une sorte de double peine. Dans un tel cas, il ne restera plus éventuellement à cet époux qu’à agir sur le fondement de la contribution aux charges du mariage pour obtenir le versement rétrospectif de celle-ci si elle ne l’a pas été (l’adage « aliments ne s’arréragent pas » ne s’applique pas en matière de prestation compensatoire), sachant que la prescription ne court pas entre conjoints (C. civ., art. 2236). 

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Civ. 1re, 18 déc.