Civ. 1re, 7 nov. 2012, FS-P+B+R+I, n° 12-17.394

Le silence du parent quant à la situation de l’enfant majeur dont il a la charge ne saurait suffire à justifier que l’autre parent soit libéré de la contribution à son entretien et à son éducation.

Parmi les conséquences du divorce que doit régler le magistrat figure parfois la modulation, entre les deux parents, de l’obligation d’entretien de leur enfant. Cette contribution parfois imposée à l’un d’entre eux étant une variété d’obligation alimentaire, elle sera soumise au principe de variabilité des aliments : si les besoins du créancier ou les ressources du débiteur varient, ils doivent pouvoir en demander la révision. Reste alors à déterminer l’exacte répartition de la charge de la preuve, question qu’a, entre autres, dû trancher la Cour de cassation dans cet arrêt du 7 novembre 2012.

En l’espèce, deux époux ont eu trois enfants et souhaitaient se séparer. Un jugement du 21 septembre 2010 prononça, en ce sens, le divorce et désigna le président de la chambre régionale des notaires, avec faculté de délégation, pour procéder à la liquidation des droits patrimoniaux des époux. La résidence de l’une des filles fut fixée chez le père, la mère devenant débitrice d’une obligation de contribuer à son entretien. Trois séries de moyens furent soulevées à l’appui du pourvoi.

En premier lieu, l’arrêt attaqué, rendu par la cour d’appel de Toulouse le 17 janvier 2012, infirmait la décision du juge aux affaires familiales, estimant que ce dernier ne pouvait procéder à la désignation du notaire. Or, dans un souci de faciliter et d’accélérer la liquidation du patrimoine commun des époux, l’article 267 du code civil, alinéa 1er, impose au juge, dès le prononcé du divorce, d’ordonner la liquidation et le partage de ces intérêts patrimoniaux. Quel que soit le type de divorce, le juge ne saurait s’en dispenser, pas plus qu’il ne pourrait invoquer un changement du régime matrimonial ou des difficultés de liquidation de la communauté. Le code de procédure civile vient compléter ces dispositions, précisant que lorsque « le partage est ordonné, le tribunal peut désigner un notaire chargé de dresser l’acte constatant le partage ». Rien ne permettait, par conséquent, de s’opposer à cette nomination, ce premier moyen permettant à la Cour de cassation de censurer l’arrêt d’appel.

Ensuite, et bien plus délicat, les juges du fond avaient ordonné la suppression de la contribution de l’épouse à l’entretien et à l’éducation de l’un des enfants au motif que leur père n’avait donné aucune information quant à sa situation, étant précisé que celui-ci avait, entre-temps, atteint l’âge de dix-huit ans. En ce domaine, il convient tout d’abord de rappeler que la jurisprudence considère, de manière constante, qu’aucune disposition légale ne limite à la minorité cette obligation d’entretien et d’éducation de l’enfant. L’article 373-2-5 du code civil, qui permet à celui qui assume à titre principal cette charge de demander à l’autre parent de lui verser une contribution, ne saurait dès lors être écarté du seul fait de la majorité de l’enfant. Plus délicate sera la charge de cette preuve.

En effet, la Cour de cassation considérait assez largement que le parent souhaitant se dégager de son obligation devait rapporter la preuve de l’évolution des besoins de l’enfant rendant sa contribution inutile. Pourtant des arrêts divergents avaient pu être rendus en la matière. Ainsi, pour une action formée après la majorité de l’enfant, la jurisprudence a pu estimer que la contribution du parent débiteur pouvait être supprimée si l’autre parent ne produisait aucun justificatif de la situation du majeur. Plus récemment encore, il fut décidé que l’enfant majeur avait la charge de la preuve de la persistance de son état de besoin. C’est donc la solution première qui fut retenue dans la présente affaire, reprochant justement à la cour d’appel d’avoir inversé la charge de la preuve : le seul silence du père quant à la situation de l’enfant majeur ne saurait suffire à décharger la mère de son obligation. Un tel éclaircissement justifie sans nul doute que le présent arrêt ait profité des honneurs d’une très large publication.

Enfin, le troisième moyen concernait la preuve de l’existence d’une disparité dans les situations respectives des parties. Aux termes des articles 270 et 271 du Code civil, une prestation compensatoire peut, de la sorte, venir compenser, autant qu’il est possible, la disparité que la rupture du mariage créée dans les conditions de vie respectives. Si la cour d’appel précisait que l’épouse était propriétaire d’un immeuble acquis en indivision, elle ne précisait pas en quoi cette circonstance devait être exclue de l’appréciation de l’existence d’une disparité dans les conditions de vie respectives des parties, empêchant par conséquent la Cour de cassation d’exercer son contrôle. À nouveau, le moyen participe de la censure des juges du fond.

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